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NOUVEL AN CHINOIS Quand l’année du Dragon se fête à Paris

Jour du passage au nouvel an lunaire, nombreuses sont les personnes venues, le 10 février, déguster les spécialités du 13e arrondissement parisien, quartier chinois emblématique de la capitale. En attendant le grand défilé du 18 février, point d’orgue de la fête du printemps, il flottait dans l’air ce jour-là des fumets appétissants et une délicieuse félicité.

Une explosion de couleurs, de teintes rouges et jaunes et, au milieu, une véritable fourmilière. Voilà ce à quoi on pouvait s’attendre en rejoignant le 13 arrondissement parisien à l’heure du déjeuner, en ce jour sacré. Ce samedi 10 février, le nouvel an lunaire et ses quinze jours de festivités sont lancés dans un des grands quartiers chinois de la capitale. Chaque nouvelle année du calendrier étant représentée par un animal du zodiaque chinois et de son élément, on dit définitivement au revoir au Lapin d’Eau et on souhaite le bienvenue au Dragon de Bois, signe du zodiaque connu pour sa puissance et sa noblesse, également symbole de chance et de réussite.
Si d’épais drapeaux rouges, souhaitant les «meilleurs vœux» habillent ce jour-là les réverbères de l’avenue de Choisy, c’est la grisaille et un ciel bas qui accueille les gens place d’Italie. Il n’y a pas grand monde, non plus, dans les rues pour braver une pluie fine et ininterrompue. L’enthousiasme et les estomacs auraient-ils été douchés? Du tout, les passant.e.s étaient d’ores et déjà bien au chaud, attablé.e.s dans la multitude de restaurants et de traiteurs asiatiques du quartier. Sur le trottoir, une délicieuse odeur de nouilles chinoises planait. Le restaurant qui la dégage étant complet, il faut se rabattre sur l’établissement voisin. C’est une lumineuse échoppe de cuisine vietnamienne*, où une petite table circulaire invite à s’asseoir à l’écart des banquettes turquoises.

Dans un restaurant vietnamien, de délicieux banh mi revisités à la sauce tradition pour l’occasion ravissent les papilles

«Vous avez choisi?», demande la serveuse, qui a l’air de découvrir le menu en même temps que nous. Derrière le comptoir, la patronne prépare frénétiquement chaque met commandé sur le moment, supervise la caissière, en guide une autre en charge de la conception des bubble tea, ces boissons à base de thé et de tapioca, tout en prévenant les client.e.s de l’attente à prévoir: «dix, quinze minutes», délai qui décourage les plus pressé.e.s.
«C’est la course, il faut toujours rester positif,», glisse-elle dans un grand sourire à un étudiant dont les longs cheveux bouclés tombent sur la housse de la guitare calée sur son dos avant de reprendre: «Je vais péter un câble, tu peux jouer un peu pour adoucir l’ambiance ?» Et le musicien de proposer: «Courage, tu veux un coup de main?» Habitué du lieu, il fait office de serveur une dizaine de minutes pour soulager l’équipe engagée dans une cadence infernale, tout en attendant sa commande. «J’ai donné les congés à mon employée pour le nouvel an lunaire, heureusement que les copains et les copines sont venu.e.s aider, explique la gérante. En plus, on n’a plus de baguettes normales. Il y a eu un problème dans la livraison [relatif au nombre important de commandes de pain de baguette vietnamien avec le nouvel an lunaire, NDLR], il n’y en n’avait plus, donc on fait avec de la tradition», s’excuse-t-elle en lui tendant son repas, sans se défaire de sa bonne humeur communicative.
Le départ du jeune homme signe la fin du coup de feu en cuisine. Il est 14 heures. «C’était quelque chose», remarque notre serveuse d’un jour en enfilant son manteau avant d’aller profiter d’une pause bien méritée. «Pour travailler dans ces métiers, il faut avoir un tempérament assez speed, être bien organisé.e, pas stressé.e, sinon tu finis noyé.e par l’événement, lui indique la patronne les yeux rieurs. Là, c’est un peu particulier avec le nouvel an lunaire, mais ce genre de rush arrive régulièrement en semaine.»
Si l’expérience ne semble pas avoir éveillé chez son amie une nouvelle vocation, ses délicieux banh mi revisités à la sauce tradition on ravi les papilles, faisant office de parfaits amuse-bouches avant l’incontournable défilé, ses danseurs, ses musiciens, ses tigres et ses dragons. Le prochain rendez-vous est fixé au 18 février à midi. Malgré les obstacles, rien n’a ébranlé la bonne humeur de l’équipe éphémère du restaurant vietnamien bricolée pour l’occasion. Un soupçon de chance et de réussite planait donc bien dans l’air. Bonne année du Dragon!
Justine Saint-Sevin

* Le nouvel an chinois coïncide avec son équivalent vietnamien: la fête du Têt.

En savoir plus
Les origines de la plus vieille fête traditionnelle chinoise font référence à Nian, un monstre aux allures de lion. Selon la légende, la bête attaquait et dévorait les villageois.e.s la veille du nouvel an. Pour lui survivre, les habitant.e.s avaient pris pour habitude de fuir vers les montagnes et de s’y cacher… mais voyaient leur village détruit et les récoltes dévorées à leur retour. Un soir, un homme installa des bougies et des papiers rouges autour d’une maison pour la protéger. Le Nian, réputé effrayé par la couleur rouge et la lumière, la laissa intacte. Depuis, l’habitude serait prise, en Chine, de décorer les maisons en suspendant à leurs portes et à leurs fenêtres des bandes de papier rouge. Des torches sont également allumées, et les gens font claquer des pétards et se déguisent pour figurer l’éloignement du monstre.