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PORTRAIT Cécile Coulon, jongleuse de mots

Publiée depuis qu’elle a 16 ans, Cécile Coulon est une autrice foisonnante et multi-récompensée pour qui la musique des mots est une composante importante de son écriture. Elle a publié en janvier dernier son neuvième roman, La Langue des choses cachées. On vous parle ici de cette œuvre poétique, véritable délice. Et pour cause, la poésie est dans la nature de l’autrice!

Née en 1990 dans le Puy-de-Dôme (63), Cécile Coulon est une prodige de la littérature française contemporaine. Quand elle publie son premier roman en 2007, Le Voleur de vie, elle n’a que 16 ans. Depuis, elle accumule les prix: Mauvais genres pour Le roi n’a pas sommeil (2012), Prix des Libraires pour son roman Trois Saisons d’orage (2017), prix Guillaume-Apollinaire pour son recueil de poésies Les Ronces (2018), prix littéraire du Monde pour son roman Une bête au paradis (2019), entre autres. Cécile Coulon a publié en ce début d’année 2024 un court roman mystique paru aux éditions de l’Iconoclaste, La Langue des choses cachées.
Si la jeune femme, âgée aujourd’hui de 33 ans, écrit depuis le début de l’adolescence, c’est par amour des mots. Ce goût des mots, Cécile Coulon l’a développé très jeune grâce à ses parents qui lui ont lu beaucoup d’histoires. C’est par leur bienveillante transmission qu’elle est devenue une boulimique de lecture, et qu’elle a développé cette appétence particulière pour les jeux de et sur les mots. Ainsi que pour la poésie, qu’elle définit comme une rencontre entre une personne et une forte émotion, dont elle dit: «Si je suis en train d’écouter, de lire ou de découvrir quelque chose qui me touche d’une manière si forte, c’est forcément de la poésie».

Autrice contemporaine, poète, et co-directrice de la collection «Iconopop»

Cécile Coulon souligne l’importance de la poésie dans sa vie. Très active sur les réseaux sociaux, elle publie régulièrement de courts poèmes, à l’instar d’une génération de jeunes écrivain.e.s (voir, par exemple, les comptes Instagram poétiques de Rupi Kaur @rupikaur_ ou encore de Julien Bellemere @poemes_d.outrenuit).
La poétesse prolifique co-dirige également, avec l’auteur Alexandre Bord, la collection «Iconopop» (éditions de L’Iconoclaste) dédiée à la poésie. Pour la rendre accessible au plus grand nombre, la collection met en avant des plumes modernes issues d’univers divers et variés comme Akhenaton, Baptiste Beaulieu, Clémentine Beauvais… Pour Cécile Coulon, l’enjeu de la poésie contemporaine consiste à en révéler les multiples facettes, détentrices de toutes les beautés textuelles. C’est ce qu’elle fait avec talent depuis quelques années via la publication de recueils de poésie, offrant une visibilité aux jeunes pousses de la poésie contemporaine.
Attachée à l’Auvergne, sa région natale, Cécile Coulon y vit toujours parce qu’elle préfère la proximité de la nature au tumulte de la vie citadine parisienne. Comme vous le découvrirez au fil des ses romans, la nature est omniprésente, qu’il s’agisse des montagnes jurassiennes dans Seule en sa demeure ou du hameau reculé du monde de La Langue des choses cachées. Comme chez l’autrice Marie-Hélène Lafon, qui est une source d’inspiration pour Cécile Coulon, on retrouve dans ses livres l’importance de l’espace [physique], du lieu qui sert à poser le cadre de l’histoire. Pour l’autrice, définir un cadre revêt une importance vitale. Une importance qui trouve peut-être son origine dans sa formation lycéenne, puisqu’elle est titulaire d’un bac option cinéma.

Une romancière mystique attachée aux lieux, et qui va à l’essentiel

Les lieux où se déroulent les romans de Cécile Coulon sont souvent chargés de mystère, ils deviennent des personnages à part entière, et participent à la mise en place d’un contexte qui favorise une ambiance spécifique. Dans Seule en sa demeure, l’action se déroule dans un manoir. Thriller sensuel et féministe, ce roman haletant entraîne son lectorat dans un manoir froid et hostile, niché au cœur d’une forêt, où vont se mêler le désir et la solitude.
Dans La Langue des choses cachées, les lieux conservent leur importance mais ne sont pas identifiables. L’histoire se déroule dans un hameau isolé, dans lequel un jeune guérisseur doit traverser un village de nuit pour aller soigner quelqu’un. Sa mère étant trop vieille pour l’accompagner, le jeune homme doit agir et se débrouiller seul. Dans cette histoire envoûtante à deux personnages, empreinte de mysticisme, la guérisseuse et son jeune apprenti de fils ne sont pas nommés non plus, elle est une mère et il est son fils. C’est tout. Dans ce roman, il est question des actes liés à la guérison et à la réparation des êtres et de ce que nous, lectrices et lecteurs, pouvons entrevoir et comprendre de ces pratiques. Alors, est-ce que La Langue des choses cachées se veut une métaphore autour de l’apaisement et du soin, de la mort et de la vengeance? Cécile Coulon explique que «La mère incarne toutes les choses qu’on apprend de génération en génération, et qui semblent absolument immuables.»
Au final, peu importe que les personnages n’aient pas de prénoms et que les lieux ne soient pas nommés, car cela permet d'aller à l’essentiel. C’est avec style et une volonté bien déterminée que Cécile Coulon désire «faire en sorte que des gens qui ne se connaissent pas, ne se connaîtront jamais, se reconnaissent au travers une histoire commune». Une bien belle et utile définition du pouvoir de l’écriture.
Corinne Gili
Instagram @quatriemedecouverture

La Langue des choses cachées, de Cécile Coulon, est paru aux Editions de l’Iconoclaste en janvier 2024, 134 pages, 17,90€.