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QUELLE FEMME ! Tarana Burke

En décembre 2017, l’Afro-Américaine Tarana Burke est élue l’une des personnalités de l’année par l’hebdomadaire américain Time.

Activiste d’avant-garde contre les viols et les violences sexuelles, Tarana Burke lance le mouvement #MeToo en 2006 après avoir lutté dix ans dans sa communauté. C’est seulement en 2017 qu’on parle d’elle, suite à la relance du hashtag par l’actrice américaine Alyssa Milano sur les réseaux sociaux. Depuis, des victimes de viol et de violences sexuelles brisent le silence partout dans le monde. L’Afro-Américaine Tarana Burke et travailleuse sociale est notre figure du jour.

Originaire du Bronx (New York), où elle naît en 1973, Tarana Burke se passionne pour l’activisme communautaire dans les années 1980. Au sein de l’association 21st Century Youth Leadership Movement, une association dédiée au développement de la jeunesse noire à Selma*, elle lance des initiatives pour mettre en lumière les discriminations raciales, les inégalités de logement et celles économiques. Tarana Burke décide d’en faire son métier, et part se former à l’université d’Alabama. Diplôme de travailleuse sociale en poche, elle intègre 21st Century.
Son combat contre les viols et les violences sexuelles commence en 1996, lorsque Tarana est éducatrice dans un camp de jeunes. Elle a alors 23 ans. Après une séance de discussion avec les jeunes filles, l’une d’entre elles, 13 ans, lui demande d’échanger en privé. Elle va lui raconter son viol, laissant Tarana Burke sans voix. Ayant été victime, elle s’explique: «Je n’ai même pas pu me résoudre à murmurer… moi aussi.» C’est à partir de là que Burke s’est intéressée aux viols et aux violences sexuelles qui touchent la communauté afro-américaine.

«Le slogan Me Too est devenu le moyen de se connecter de manière succincte et puissante avec d’autres personnes»

«Le mouvement Me Too est né dans l’endroit le plus profond et le plus sombre de mon âme», explique Tarana Burke. Le déclic se fait en 2006, quand elle écrit sur un morceau de papier «me too». Pour elle, l’expression permet aux jeunes femmes de sa communauté de partager leurs histoires, de développer l’«empouvoirement par l’empathie». C’est à la fois le geste par lequel on attribue du pouvoir à quelqu’un et l’état dans lequel se trouve la personne ayant reçu le «pouvoir de…» La guérison passe par la parole, en particulier avec les autres survivantes. En 2006, Tarana Burke a 33 ans lorsqu’elle crée l’association Me Too pour lutter contre les viols et les violences sexuelles perpétrées sur les fillettes noires.
«J’ai réalisé que les interactions les plus fortes que j’avais étaient celles avec des survivantes», confie-t-elle à la version américaine du magazine Elle. Tarana Burque explique que lorsqu’elle évoque son viol avec des personnes qui n’ont pas été victimes, elles répondent souvent: «Oh, mon dieu!» ou «C’est horrible!» Mais lorsqu’elle en parle avec des survivantes, un lien se crée automatiquement. Et de conclure: «Le slogan Me Too est devenu le moyen de se connecter de manière succincte et puissante avec d’autres personnes, et de leur donner la permission d’entamer leur voyage vers la guérison.»

Pour Tarana Burke, «MeToo is a movement, not a moment»

L’activiste a continué de développer le mouvement Me Too tout en travaillant au National Voting Rights Museum and Institute à Selma. En 2017, le travail de Tarana Burke est enfin mis en lumière via le hashtag MeToo repris par l’actrice américaine Alyssa Milano. En l’espace de cinq ans, #MeToo génère plus de 53 millions de tweets à travers le monde. Et si de nombreux témoignages ont suscité une vague de haine, Tarana Burke, dans le TED Talk qu’elle anime en 2018 «Me Too is a movement, not a moment», critique les retombées médiatiques: «J’ai lu tant d’articles larmoyants sur de riches hommes blancs ayant atterri en douceur avec leurs parachutes dorés à la suite de la révélation de leur terrible comportement. Et on nous demande de considérer leur avenir. Mais qu’en est-il de celui des survivants?» Aux personnes qui accusent le mouvement #MeToo de lancer une «chasse aux sorcières», elle répond que «c’est un mouvement qui concerne une fille sur quatre et un garçon sur six, qui sont agressé.e.s sexuellement chaque année –et qui porteront ces blessures toute leur vie.»
Tarana Burke conclut son intervention avec puissance en affirmant: «Nous devons nous rééduquer, nous et nos enfants, pour comprendre que le pouvoir et les privilèges ne sont pas là pour détruire et prendre –ils peuvent être utilisés pour servir et construire.»
Evann Hislers

* La ville américaine de Selma, en Alabama, est emblématique dans la lutte pour les droits civiques. En 1965, elle est le point de départ de la première marche de Selma, qui marque fortement le mouvement des droits civiques des Afro-Américain.e.s.

En savoir plus
Tarana Burke raconte son histoire et son parcours dans le livre Unbound: My Story of Liberation and the Birth of the Me Too Movement, paru en septembre 2021 chez Headline. Il est disponible en anglais et en version ebook au prix de 3,99€.

L’association humanitaire Amnesty International a dédié une page à Tarana Burke à découvrir ici. Comme on le voit sur le site metoomvmt.org (en anglais), le mouvement MeToo initié par Tara Burke a réuni depuis dans sa lutte contre les violences sexuelles et les viols, les hommes comme les femmes. La page d’accueil en montre plusieurs de tout âge, dont une en fauteuil roulant, issues de diverses origines. En haut à droite, un message d’accompagnement sous forme de question est affiché: «Comment pouvons-nous vous aider?». Au fil des onglets, on tombe sur une multitude de ressources portant sur les domaines de la justice, de la résilience, des actions possibles et/ou en cours, etc. Et le site de rappeler ce message fort et emprunt de bienveillance qui aide dans une démarche de résilience: «Si votre vie a changé pour toujours à cause d’un viol, vous n’êtes pas seul.e.»