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À L'ÉCRAN Sans jamais nous connaître

Le duo d’acteurs qui porte le film : Andrew Scott (à gauche) et Paul Mescal (à droite). © Parisa Taghizadeh/Blueprint Picture/Film4.

Le réalisateur Andrew Haigh livre un récit sur l’enfance d’une justesse et d’une sensibilité bouleversantes en adaptant librement le roman Strangers de Taichi Yamada. Sans jamais nous connaître raconte les blessures d’enfants devenus grands au travers d’une rencontre amoureuse et de retrouvailles inattendues. Le casting est merveilleux, d’Andrew Scott à Paul Mescal en passant par Claire Foy et Jamie Bell.

Au loin, les contours des immeubles de Londres encore baignés dans la pénombre. Sous les yeux attentifs mais toujours brillants de sommeil d’Adam, de faibles lumières dorées grossissent et se multiplient lentement à mesure que le soleil se lève. Le scénariste, campé par un formidable Andrew Scott, vit isolé dans une toute neuve tour de banlieue aux logements inoccupés. Ainsi commence chaque matin sa routine. Il file ensuite pianoter devant son ordinateur, avant de basculer rapidement sur son canapé, paquets de chips sous la main, devant un de ses films favoris. Une nuit, la monotonie de son quotidien est interrompue par la rencontre avec son unique et mystérieux voisin, Harry (Paul Mescal), qui se présente ivre à sa porte.

Ramener les fantômes du passé pour réparer les vivants

Alors que les deux hommes, aux vies teintées d’une extrême solitude, se rapprochent, Adam, en quête d’inspiration et parasité par des souvenirs d’enfance, saute dans un train, direction sa ville natale. Derrière les baies vitrées de sa maison d’enfance, il découvre ses parents (Claire Foy et Jamie Bell), qui semblent avoir le même âge que le jour de leur mort… trente ans plus tôt. Ces retrouvailles inattendues sont l’occasion pour le quadragénaire d’affronter son passé et de se libérer des non-dits.
Il serait maladroit de vous en dire bien plus, au risque de gâcher le plaisir de vous plonger à l’aveuglette dans une narration aussi finement ficelée, qui fait appel aux fantômes du passé pour réparer les vivants. On peut néanmoins vous assurer que Sans jamais nous connaître (All of Us Strangers, en version originale), qui nous a arraché plusieurs larmes tout au long du film, n’a pas volé ses multiples récompenses. Pour ne citer qu’elles: British Independent Films Awards 2023, National Board of Review Awards 2023 et ses nominations; Golden Globes 2024, meilleur acteur pour Andrew Scott; BAFTA 2024, meilleur film britannique, meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleure actrice dans un second rôle Claire Foy, meilleur acteur dans un second rôle Paul Mescal, et meilleur casting, etc.

Solitude et quête de soi, malgré les traumatismes d’enfance comme encombrants bagages

Sous la direction du réalisateur britannique Andrew Haigh, qui adapte ici librement le roman Strangers de l’auteur japonais Taichi Yamada, l’équipe du film (casting, photographie, bande-son) dépeint bien plus qu’une histoire d’amour et de couple. Il s’agit là, aussi, d’histoires de famille et d’êtres humains à la fois si proches et pourtant si loin. On y traite de la solitude et de la quête de soi, malgré les traumatismes d’enfance comme encombrants bagages qui rendent parfois fastidieuse la moindre connexion avec un autre individu… Le récit illustre également ces faux-semblants qui installent progressivement une distance entre parents et enfants, le tout sublimé par une réalisation envoûtante. Sans jamais nous connaître, où s’entrechoquent des destins imbibés de tragique et de douceur, viendra panser des plaies que vous ne soupçonniez peut-être pas avoir en vous lovant dans le siège d’une salle de cinéma. En bref, Andrew Haigh propose un voyage rare qu’il serait dommage de louper.
Justine Saint-Sevin

Sans jamais nous connaître, réalisé par Andrew Haigh, est sorti en France le 14 février 2024. Durée: 1h45.