← Retour Publié le

SUR SCÈNE Jure-le

De gauche à droite, les quatre actrices principales de Jure-le: Justine Viotty, Clara Aït-Ali, Clara Cantos et Charlotte Gallas. © Gaëlle Job.

C’est l’un des succès surprises au théâtre en ce début de printemps. A travers les destins croisés de quatre femmes brisées, Jure-le nous parle d’amour, d’aide envers ses proches ou son prochain et, chose rare, de violences conjugales au sein des couples queer. Prévue pour cinq représentations en ce mois de mars, la première pièce au casting 100% féminin de la comédienne Marlène Grimmer vient finalement d’être prolongée jusqu’en mai!

Et si vous vous laissiez tenter par la première pièce d’une jeune metteuse en scène de talent? A toutes celles et ceux qui sont à la recherche d’une idée de sortie seul·e ou accompagné·e et qui vivent en région parisienne, nous avons ce qu’il vous faut: Jure-le, de Marlène Grimmer.
C’est l’histoire de deux sœurs à la croisée des chemins. Alex, la plus jeune, est une artiste dans l’âme, mais qui se sent complètement perdue face à ce que la société attend d’elle. Plutôt que de se confronter au malaise qu’elle ressent, elle se drogue jusqu’à devenir complètement dépendante. Nina, sa grande sœur, particulièrement présente pour elle, peine à savoir comment l’aider à s’en sortir et commence à perdre patience.
Un jour, Alex rencontre Rosa, qui veut la prendre sous son aile. Derrière son personnage haut en couleur, la quadra espagnole cache, en réalité, une profonde solitude liée au deuil de son mari à laquelle elle peine à faire face. Au même moment, Nina fait la connaissance d’Eve, une jeune femme charismatique et pleine d’humour, dont elle tombe rapidement et éperdument amoureuse –bien qu’Eve ne tarde pas à manifester des signes d’un manque cruel de confiance en elle et d’une jalousie malsaine. Pour l’une comme pour l’autre des sœurs, ces rencontres vont se révéler déterminantes. Pour le meilleur comme pour le pire.
Jure-le est un projet de longue date de Marlène Grimmer, 29 ans, qui propose là sa première pièce de théâtre en tant qu’autrice et metteuse en scène. Formée au métier de comédienne entre la France (Cours Florent) et l’Angleterre, Marlène Grimmer était jusqu’alors apparue dans plusieurs films et court-métrages indépendants, ainsi qu’au théâtre et à la télévision (Groland sur Canal+).
Sur scène, on découvre un casting entièrement féminin composé d’actrices, là aussi, encore inconnues du grand public. Clara Aït-Ali, qui incarne Nina, est à retrouver prochainement dans les séries Fiasco (Netflix) avec Pierre Niney et Citoyens clandestins (Arte). Justine Viotty, qui joue le rôle d’Eve, a été aperçue récemment dans le film La Vénus d’argent avec la chanteuse Pomme, le téléfilm Le Nouveau (M6) avec François-Xavier Demaison, ou encore la série Benoît Gênant Officiel (TMC) avec Artus. Charlotte Gallas et Clara Cantos (Un si grand soleil sur France 2) tiennent les rôles respectifs d’Alex et de Rosa.

Une pièce qui questionne l’amour sous ses différentes facettes

«Aimer, c’est ce qu’il y a de plus beau», chantaient en cœur Damien Sargue et Cécilia Cara aux débuts des années 2000 dans le tube d’une comédie musicale. D’accord, mais comment fait-on pour aimer quelqu’un? Y a-t-il une différence entre l’amour porté à sa famille de sang par rapport à sa famille choisie? Entre deux femmes par rapport à un homme et une femme? Comment aimer sans souffrir ni faire souffrir autrui? Peut-on véritablement parler d’amour dans ce cas-là? Et comment cesser d’aimer quelqu’un.e?
Toutes ces questions autour de l’amour qui traversent la pièce de Marlène Grimmer sont formidablement bien portées par quatre comédiennes talentueuses, qui parviennent rapidement et tour à tour à nous attendrir, à nous faire rire et à nous émouvoir. Mention spéciale, dans ces montagnes russes émotionnelles, à Clara Cantos, particulièrement touchante dans la peau de Rosa, ainsi qu’à Justine Viotty, impressionnante dans un rôle complexe à jouer et qui parvient, par moments, à nous inspirer des sentiments totalement contradictoires.
Les quatre actrices sont aidées par l’écriture de la pièce et sa capacité à nous surprendre en nous montrant, d’une part, au fil de la pièce, que ce que traversent les deux sœurs est moins éloigné que ce qu’il n’y paraît de prime abord et, d’autre part, que dans le récit croisé des quatre protagonistes qui est proposé, celles qui aident les autres ne sont pas forcément là où on les attendait.

«J’avais envie de voir au théâtre une histoire d’amour entre deux femmes sans que l’on pointe du doigt cette “différence”»

La mise en scène imaginée par Marlène Grimmer –en particulier une scène tout à fait originale et rafraîchissante jouée au beau milieu du public–, participe également au sentiment de proximité et d’humanité qui se dégage de la pièce.
Le couple lesbien donné à voir par la jeune femme est, enfin, assez intéressant en termes de représentation. «Je pense avoir notamment écrit Jure-le par manque. J’avais envie de voir au théâtre une histoire d’amour entre deux femmes sans que l’on pointe du doigt cette ’différence’, ou que l’on politise le sujet. J’ai beaucoup souffert de ce manque de représentation, et je suis persuadée de ne pas être la seule», explique Marlène Grimmer dans le dossier de presse de sa pièce. Si nous ne pouvons qu’être d’accord avec le fait que la relation entre Nina et Eve est traitée de la même manière que n’importe quelle romance hétérosexuelle, difficile, toutefois, de ne pas voir de politisation dans la volonté affichée d’aborder, à travers ce couple, la question des violences conjugales au sein des couples queer. Une réalité encore taboue au sein des communautés LGBT+ et un angle mort des politiques de lutte contre les féminicides qui fait du bien de voir être abordé sur scène.
Thomas Pouilly

La pièce Jure-le, est un drame de Marlène Grimmer à découvrir chaque lundi à 20h au Théâtre la Boussole, à Paris 10e. Durée: 1h30. Tarifs: de 17,50€ à 32,50€.
Infos à retrouver sur le compte Instagram dédié et réservations ici.