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AU PAYS DU HANDI Voyage en terres étrangères: les vacances

Voilà l’été! Si vous avez la chance de pouvoir partir, peut-être avez-vous fait des réservations. Y avez-vous pris du plaisir? Aimez-vous planifier votre séjour de façon précise ou préférez-vous choisir une destination au dernier moment, sac au dos et prêt.e pour vivre l’aventure? Du côté de chez les personnes à mobilité réduite, les vacances ne sont pas de tout repos, à commencer par l’organisation.

Pour partir en vacances quand on est handicapé.e, on est obligé.e de tout prévoir. Beaucoup, tout le temps. Et on stresse. Beaucoup, tout le temps. Pour le transport, par exemple, prendre l’avion avec un fauteuil électrique est très risqué. Déjà, il est impossible d’embarquer en cabine avec son fauteuil. Le précieux objet sera chargé en soute au milieu des bagages et manipulé sans ménagements. C’est ainsi qu’on se retrouve fréquemment avec son unique fauteuil – outil indispensable à l’autonomie – endommagé à l’arrivée.

La plupart du temps, on préfère éliminer l’avion. Qu’à cela ne tienne, prenons le train!
Simple, non? Eh bien non, car toutes les gares ne sont pas accessibles. Et tous les trains ne le sont pas non plus – quand ils le sont, ils disposent tout au plus de 2 emplacements pour fauteuils roulants, pour des trains de 200 à 500 places… Oui, c’est peu. Alors, pour avoir une chance d’obtenir ce précieux sésame, il faut s’y prendre tôt! Par Internet, en deux clics c’est bon? Eh bien non. Sur les trajets en Ouigo par exemple, il faut téléphoner ou se rendre au guichet si l’on veut réserver plus de deux places (car c’est bien connu, les handicapés n’ont pas de famille, pas d’enfants et pas de vie…). Une fois les billets chèrement obtenus, on se dit qu’on est tiré.e d’affaire. Eh bien non, toujours pas! Il faut maintenant réserver l’Accès Plus, un service d’assistance pour aider à charger le fauteuil dans le train. Et, comme c’est mal foutu parce qu’il y a souvent des marches pour accéder au train, il faut faire installer une rampe mobile. Pour cela, vous devez réserver dans un délai de quarante-huit heures avant le voyage. Le jour J, vous devez impérativement arriver en gare avec au minimum une demi-heure d’avance. Nous sommes plusieurs à nous être fait refuser le service parce que nous étions arrivé.e.s «trop tard», à deux minutes près… alors que le train n’était même pas encore à quai?!

Les étapes de réservation sont si fatigantes, vivement le farniente!       
Imaginons: les trajets sont enfin réservés après des minutes, voire des heures de tâtonnement et d’énervement. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles en attendant les vacances? Eh bien non. Il reste à trouver un logement. Un Airbnb? Faisons le test: je veux me rendre à Bordeaux. Sans critères d’accessibilité cochés, j’ai accès à 1000 logements. Si je coche «entrée, chambre et salle de bains de plain-pied», l’offre passe de 1000 à 2 annonces selon les critères de date et les horaires définis. Soit à un ratio de 0,2%. Abandonnons cette idée et allons chercher ailleurs.

Sur les sites les mieux fournis, l’offre en logements est divisée par trois, quatre ou cinq à partir du moment où on coche le filtre «accessibilité». Une fois encore, si on souhaite voyager en famille, l’offre se trouve encore plus réduite. Pourquoi? Parce que les chambres pour handicapé.e.s sont très souvent prévues pour deux personnes uniquement. Il y a très peu de chambres familiales dédiées PMR (personne à mobilité réduite). Pour comparer, c’est encore plus rare qu’un yéti au Sahara… Résultat? On nous impose des frais supplémentaires du fait de notre handicap parce qu’il nous faut prendre deux chambres au lieu d’une. Etre handicapé.e coûte cher, c'est un luxe qui n’est pas à la portée de tout le monde.
Imaginons maintenant qu’on trouve l’établissement qui propose des chambres PMR à un tarif décent. On réserve en un clic? Toujours pas. Parce que souvent les chambres pour handicapé.e.s ne sont pas indiquées –donc pas réservables– sur les sites Internet. On doit téléphoner et s’assurer que l’unique chambre PMR de l’établissement est disponible, que c’est bien celle-ci qu’on nous réserve et pas la chambre au troisième étage sans ascenseur… En général, je demande en plus de cette réservation orale une confirmation écrite, sauf qu’on n’est pas à l’abri d’une désagréable surprise malgré toutes ces précautions…

Mais ça y est, notre trajet et notre logement sont enfin réservés! Imaginons cependant que nous ayons l’outrecuidance de rechercher des loisirs, des restaurants ou des sorties accessibles! Alors, je ne sais pas pour vous mais, en ce qui me concerne après ce fatigant parcours, je vais aller bronzer tranquillement, les roues en éventail!
Sushina Lagouje