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« Un dernier mot » par Aurore Ponsonnet : Compersion

Tous les mois, la spécialiste de la langue française Aurore Ponsonnet nous fait découvrir un nouveau mot

Le nom compersion a été inventé en Californie dans les années 1970, au sein de la communauté utopiste hippie Kérista, alors que le polyamour était en vogue. Le polyamour (de -poly, plusieurs, et amour) est le fait d'avoir plusieurs relations amoureuses en parallèle, avec le consentement de chaque partenaire. Consentir, c’est accepter qu'une chose se fasse, ne pas l’empêcher. Le nom compersion va au-delà du consentement, il signifie qu’en plus d’accepter que l’autre vive une histoire d’amour en parallèle, on s’en ébaudit (de l'ancien français bald, baud (joyeux)) ! Oui, on est heureux que l’être aimé aime quelqu’un d’autre et en soit aimé.

De façon globale, la compersion signifie se réjouir du bonheur d’autrui. C’est l’opposé de la jalousie. C’est aussi le sentiment ressenti lorsqu’une autre personne manifeste de la joie ou ressent du plaisir (pas seulement sexuel).

Penchons-nous sur l’étymologie de ce néologisme : il viendrait peut-être du mot compère. Le compère, avant de devenir le camarade, le complice, était celui qui était proprement « père avec » (parrain), la commère, elle, avant de devenir la personne bavarde qui colporte les nouvelles (ah, tiens), était aussi « mère avec » (marraine).

Quel rapport alors avec la compersion ? Eh bien, dans certaines sociétés, on pratique la polygamie, une femme qui épouse un homme épouse en même temps… tous ses frères ! Ils élèvent leurs enfants ensemble, d’où le lien avec le compérage, le fait d’être « père avec ».

Quant à moi, compersion me fait penser à un mélange entre compassion (littéralement « souffrir avec ») et dispersion (action de disperser, de « répandre çà et là »). Ah, l’inconscient !

Aurore Ponsonnet