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COIN-COIN JEUNESSE Les Miniminimus

Une fable écoféministe qui traite d’ingérence écologique et plaide pour la tolérance et la solidarité. Mi-animaux mi-végétaux, les Miniminimus sont issus de graines d’arbres et vivent sur une minuscule île surpeuplée. Leur credo: minimaliser la place pour maximiser l’espace. La découverte des Maximaximus, une société gérée à l’opposé, vient bouleverser tout ça. Les Miniminimus, un album d’Eléonore Douspis qui se lit dès 6 ans. Géant !

Maison, meubles, objets,… chez les Miniminimus tout est miniature. Tout est pensé, conçu et organisé de façon que chaque chose et chaque être vivant occupent le moins de place possible. Pourquoi? Pour se faire oublier afin de ne gêner personne. Ainsi, la société des Miniminimus tourne «parfaitement» jusqu’au jour où un groupe de «rebelles» devient vraiment très très encombrant. Allez, oust! Les récalcitrants sont immédiatement marginalisés. Exclus de l’île, le groupe est contraint à l’exil. Mais il va, à l’occasion d’une aventure maritime (et forcée), en découvrir une autre: l’île des Maximaximus. Evidemment, c’est un choc culturel qui les attend. Dans ce nouveau monde, tout est gigantesque, opulent. Et tout est à l’extrême opposé des valeurs qu’on leur a inculquées.

Au début de l’histoire, on apprend que, à la fin du crétacé, est apparue une espèce étrange, toute toute petite et originale qui a été dénommée Miniminimus. Situés entre l’animal et le végétal, ces êtres vivants proviennent de graines d’arbres. Et se sont retrouvés, suite à une dérive des continents, isolés sur une toute petite île sans danger parce que, «sans prédateur, les Miniminimus n’étaient plus constamment en alerte et se retrouvèrent face à eux-mêmes. Ils s’étudiaient les uns les autres, mais il leur était difficile de se définir.» Et pour cause: dans la société des Miniminimus, personne ne détonne parce que tout le monde se ressemble. Chaque Miniminimus est physiquement tel que son voisin ou sa voisine et pense exactement comme lui ou comme elle. Personne ne s’autorise à avoir de pensées personnelles. Et chaque membre doit exister sans prendre de place, en minimisant son mobilier, son alimentation, sa vie... Pour que les Miniminimus n’aient jamais l’idée de comparer la philosophie de vie en vigueur sur leur île avec d’autres, les murs qui donnent sur la mer restent aveugles: ils sont dépourvus de fenêtres. Aucune tentation ni possibilité, donc, pour les habitant.e.s de se faire leur propre opinion en allant voir ce qu’il se passe ailleurs.

L’autrice file la métaphore de la différence et de l’intolérance

Dans le monde riquiqui des Miniminimus, penser par soi-même, avoir une identité propre et un corps à soi est passible d’exclusion. C’est ce qui va arriver à un groupe de personnes jugées trop différentes, et dont le physique va évoluer, pour des raisons que vous découvrirez dans l’album. Exclus de leur propre société pour avoir exprimé leur différence, les membres du groupe sont contraints à l’exil.

Chassés de l’île, les Miniminimus marginalisés prennent la mer pour se trouver un nouveau lieu de vie. C’est au cours de cette épopée qu’ils vont rencontrer les Maximaximus, leurs exacts opposés. Devenus un groupe de migrants arrivés en bateau, ils vont devoir trouver leur place dans une société qui ne leur ressemble pas. Ces nouveaux exilés vont être confrontés à la démesure car, du côté des Maximaximus, tout est d’une opulence folle. Pour les Miniminimus, il va s’agir de se fondre dans un décor très différent de ce qu’ils ont l’habitude de voir. A ce point de l’histoire, il devient difficile de ne pas faire de parallèle avec le sort des migrant.e.s qui, arraché.e.s à leur terre, doivent se reconstruire dans un monde qui ne leur ressemble pas. Comme il est difficile de ne pas relever le discours écoféministe de l’autrice, qui oppose le monde des Miniminimus, économisant les ressources de la Terre pour la préserver, à celui des Maximaximus, qui vivent dans un monde de surenchère et de surconsommation!

Avec un trait tout en douceur qui mixe dessin technique et aspect enfantin, Eléonore Douspis nous propose une fable écoféministe sur l’acceptation de la différence et sur la nécessité de mettre fin à l’ingérence écologique de certains gouvernements. L’album évoque une étude ethnologique réalisée avec des outils d’adultes –le schéma d’évolution des espèces aurait sa place dans un manuel de sciences– au service d’une histoire destinée à la jeunesse. Comme si un enfant dénonçait une société avec ses «armes» à lui (traits naïfs, minimalistes, couleurs pastel et un peu délavées) en utilisant des codes d’adultes, tel le schéma.

Eléonore Douspis brouille les pistes graphiques pour mieux nous délivrer son message: soyons tolérant.e.s les un.e.s envers les autres. Et solidaires. Un message essentiel par nature.
Corinne Gili

@quatriemedecouverture

Les Miniminimus d’Eléonore Douspis, album paru le 26 octobre 2023 aux éditions La Partie, 88 pages, 22 €.

Sur l’autrice
Eléonore Douspis est graphiste free-lance et travaille principalement pour des agences de création graphique et d’architecture. Elle consacre son temps libre à l’écriture et à l’illustration de livres pour enfants. Les Miniminimus est son cinquième album. Elle a publié auparavant chez Albin Michel Jeunesse Avant, il y avait la mer (2016), le Monde carré des Cubidules (2019), Sans orage ni nuage (2020) et Grand-Mère (2021).