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ZOOM SUR… Les premiers Etats généraux de la presse indépendante

«Libérons l’info des pouvoirs politiques, des médias de la haine et des milliardaires.» Organisés par le Fonds pour une presse libre (FPL), les premiers Etats généraux de la presse indépendante se sont tenus à Paris le 30 novembre dernier, regroupant plus de 100 médias*, d’associations et d’organisations de journalistes. Depuis, l’aventure se poursuit à Bordeaux, Nantes, Marseille… C’est une première dans le métier, qui en a grand besoin. Que vive la presse libre et indépendante!

Sur le site du FPL, on peut lire: «Relayés par les médias participants, les Etats généraux de la presse indépendante se sont heurtés, sans grande surprise, à un mur de silence dressé par les médias mainstream contrôlés par les grands groupes industriels et financiers, mais aussi par les médias de service public. La collaboration de plus de cent médias et organisations est pourtant un événement inédit, qui dit à la fois la gravité de la crise de notre système d’information et l’urgence de réformes plus profondes.»
Retrouvez ici les 16 propositions principales (sur 59) présentées au public lors de la soirée de lancement pour réformer la presse en France, et qui portent sur la concentration, l’actionnariat, les droits des rédactions, le renforcement du droit à l’information, la précarisation des journalistes et la réforme des aides publiques à la presse.

«1. Refondre complètement la loi de 1986. Renforcer, en les abaissant, les seuils de la concentration des médias, intégrer pour leurs calculs l’ensemble des supports papiers et numériques et supprimer le critère de périodicité.

2. Ces seuils limitant la concentration des médias doivent s’appliquer au niveau national mais aussi au niveau régional pour assurer un pluralisme de l’information locale.

3. Doter l’équipe rédactionnelle d’un média d’une personnalité juridique, qui lui confère un droit d’opposition en matière éditoriale lorsque son indépendance est mise en cause par un actionnaire, par la direction ou par un annonceur. Ce droit collectif complète les droits individuels des journalistes: clause de conscience, de cession.

4. L’accès aux aides publiques est conditionné au respect du droit d’agrément donné aux équipes rédactionnelles [sur la nomination de la direction de la rédaction ou de la rédaction en chef – proposition 8].

5. Publication des noms et liens d’intérêts des actionnaires directs et indirects des dirigeants et des personnes physiques qui les contrôlent. La publication des pactes d’actionnaires doit être encouragée. Ces informations doivent être facilement accessibles au public.

6. Le délit de presse n’a pas sa place dans les tribunaux de commerce. Il faut prévoir des immunités de poursuites civiles (notamment dénigrement commercial, secret des affaires) et empêcher les poursuites en référés visant à censurer avant toute publication des contenus journalistiques.
7. Consacrer et élargir un droit d’accès aux informations d’intérêt général, y compris lorsque celles-ci sont détenues par des acteurs privés.

8. Redéfinir la notion de secret des affaires et restreindre son champ d’application en élargissant les champ des exceptions au secret, et en prévenant clairement son utilisation contre des journalistes.

9. Limiter le champ des exceptions au secret des sources («l’impératif prépondérant d’intérêt public» de la loi de 2010, ou le motif de «sécurité nationale» du projet de European Media Freedom Act).

10. Contraindre les entreprises de presse à respecter le droit du travail (paiement en retard, recours à l’auto-entreprenariat ou au CDDU, recours à l’intermittence…), notamment en alourdissant les amendes pour les entreprises qui pratiquent ces formes de travail dissimulées. Exiger, dans le cas d’un usage de plus de 4 mois, la requalification en CDI d’office.

11. Se pencher sur la situation des pigistes correspondants à l’étranger. Appuyer le travail en cours à la suite du séminaire qui s’est tenu au Sénat et voter l’amendement proposé à la suite de ce travail.

12. Augmenter les tarifs minimums de pige dans toutes les branches de la presse et imposer des minimums décents dans les branches où aucune grille n’existe, notamment le web. Pour la presse magazine, une première proposition évoque un tarif minimum à 65 € ou 70 € brut le feuillet contre 53 € brut aujourd’hui.

13. Rendre obligatoire pour tous les responsables hiérarchiques les formations sur les discriminations racistes, LGBTphobes, sexistes (sur le modèle de ce que fait le CNC). De nombreuses associations ressoures existent comme l’AJAR, Prenons la une, Association des Femmes journalistes de Sport et l’AJL.

14. Les médias qui ne respectent pas les obligations légales (les sanctions sont aujourd’hui légères ou inexistantes) ne peuvent en bénéficier.

15. Suppression des aides à la presse pour un média condamné pour propos sexistes, racistes, LGBTphobes, discriminatoires.

16. Les aides publiques directes à la presse doivent être fléchées exclusivement vers les médias indépendants, c’est-à-dire des médias contrôlés par leurs équipes ou n’étant pas la propriété d’un groupe dont l’activité principale n’est pas l’information.»

Le Fonds pour une presse libre a transmis les propositions aux parlementaires qui œuvrent ou qui ont œuvré sur les questions relatives au droit à l’information des citoyen.ne.s, au gouvernement ainsi qu’aux Etats généraux présidentiels de l’information.

Nous, médias indépendants, attendons de voir la suite.
Claudine Cordani

* Les Cent Plumes ont participé à l’événement.

Retrouvez le stream de la soirée du 30 novembre 2023.