← Retour Publié le

AU BOULOT! Simone voulait aller danser

Pour la société, les femmes ne sont plus cotées après la cinquantaine. Pourtant, elles sont nombreuses à revendiquer le droit à l’existence passé les 50 ans –la ménopause. Une injustice sociétale de plus. En attendant, beaucoup veulent s’amuser. Et aller danser.

Sur le marché des sentiments les femmes de plus de 50 ans n’ont pas la cote. Enjointes par une société pratiquant le jeunisme à tout prix de s’en extraire, les quinquas seraient périmées. Pourtant elles sont souvent à l’initiative des ruptures sentimentales de milieu de vie, ainsi qu’en demande de lieux et d’occasions de rencontres.

A la liste des réjouissances auxquelles les femmes de 50 ans et + sont censées renoncer, il y a l’amour, qu’il soit éphémère ou pas. Une exclusion du «marché amoureux», dernière brique du mur de l’effacement des femmes vieillissantes. Un journaliste dépressif confiait à la télé être «incapable d’aimer une femme de 50 ans» avant d’ajouter, lapidaire: «Je trouve ça trop vieux.» [L’homme en question avait lui-même 51 ans lorsqu’il a prononcé ces mots, début 2019, NDLR.] Il ne faisait que résumer l’avis majoritaire des hommes de sa génération, nourri par une littérature valorisant la conquête de jeunes femmes.

«On voudrait seulement danser avec nos copines»

Annette Keilhauer, chercheuse en littérature française et fondatrice du Centre interdisciplinaire pour la différence et la diversité des genres à l’université Friedrich-Alexander, s’est penchée sur la question: (Neutralisée ou inquiétante : représentations de la femme vieillissante dans la littérature française) du personnage de l’amoureuse vieillissante depuis le XVIIIe siècle, et c’est édifiant!

Être désirante passé la ménopause est transgressif. Le roman de Choderlos de Laclos Les Liaisons dangereuses donne le ton. Madame de Merteuil est une «intrigante amorale» et «ridicule». Le conte de Valmont, lui, fait chavirer les cœurs et les corps. Deux ambiances, deux représentations et une longue liste de romans dans ce schéma genré.

Le cliché voudrait que ne s’accrochent que de jeunes femmes aux bras d’hommes mûrs. Des mâles qui fréquentent clubs et lieux de fête en exhibant leur sésame. Imaginer l’inverse ne fait pas partie du deal. Et pourtant, les femmes vieillissantes sont nombreuses à regretter la disparition des lieux de rencontres où l’âge n’est pas un critère sélectif. Exit les boîtes de nuit et les guinguettes trop décalées! «On voudrait seulement danser avec nos copines», soupire Nathalie, qui rêve de dance floor et de drague légère.

Les plus de 50 ans téléchargent le Tinder des seniors et apprennent à swiper

La séduction est renvoyée à l’ère digitale, régie par un marketing âgiste. Les applis de rencontres pullulent et surfent sur une segmentation générationnelle. Les plus de 50 ans téléchargent le Tinder des seniors et apprennent à swiper (faire glisser le doigt vers la droite de l’écran pour sélectionner un profil ou vers la gauche pour l’ignorer). Pour les non digital natives, c’est un «marché» qu’elles fréquentent avec toujours la même appréhension: «C’est pas mon truc.» «De toute façon c’est le truc de personne», renchérit Margaux Sitruk, trentenaire, qui a fondé Passions, l’une de ces applications.

Sans rien en attendre, Virginie s’y est risquée et analyse un «voyage au bout de la lose». Honnête, elle reconnaît avoir «bousillé» pas mal de rendez-vous en s’investissant peu lors des rencontres, faute d’être en accord avec ce nouveau mode de conquête amoureuse. Derrière leurs écrans, les apprentis princes charmants libèrent leur mauvais fond. Un effet collatéral de la virtualisation des sentiments qu’on préfère toujours libérer autour d’un verre bien réel.

Sophie Dancourt

fondatrice de @PiscineSimone