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AU RAS DU SOL Vu de l’extérieur, Noël, c’est pas la fête

Il ne fait pas doux en cette saison merdique. Le froid s’installe. Les fêtes déprimantes arrivent à grands pas. Ce sont des regards tristes que les illuminations de circonstance éclairent. Pour qui a encore un peu Æde famille au loin, le chagrin se fait plus lourd quand on est seul.e.

Tout môme déjà, je n’aimais pas Noël. Les cadeaux de l’association des travailleurs sociaux étaient pitoyables et distribués au hasard avec juste un numéro dessus. Le numéro attribué à notre arrivée au foyer de la DDASS. Moi, c’était le 72. Mon année de naissance merdique. Même pas foutu.e.s de mettre notre prénom. Oui, c’était d’un triste…

Nous avons des sourires édentés pour donner le change mais, au fond de nous, c’est cœur de pierre

Je raconte cette histoire, chaque année, à mes compagnons d’infortune, les «comptant-pour-rien». Nous en rions. Et puis Untel va chercher en lui un souvenir de Noël joyeux. Un autre un peu moins. Nous avons beau nous dire que ces fêtes ne sont que commerciales, il n’empêche que nous serions un peu preneurs de chaleur humaine. Et puis viendra ensuite le changement d’année. «Une année de plus enquillée, c’est déjà ça de pris!», dira un autre. Oui. Encore vivant pour remettre ça. Avec la promesse d’un printemps dont nous nous souhaitons qu’il arrive le plus vite possible.

Nous avons des sourires édentés pour donner le change mais, au fond de nous, c’est cœur de pierre : nous ne serons pas à la fête. Beaucoup boiront, s’ils le peuvent, plus que de raison. Sans compter les autres défonces qui circulent. Pour oublier en se fracassant le plus tôt possible les jours de réveillons.

Pour moi, une énième fin d’année, aussi, à ne pas voir mes «deux poumons». Elles feront fête au loin. En famille, dont je ne fais pas partie. J’en souris de douleur.

Le tissu associatif sera au ralenti. Les maraudes se feront au compte-gouttes. Et il ne manquerait plus que comme cadeau nous recevions grippe, gastro et énième Covid… Pour les personnes SDF, ça sentirait le sapin.

Ervé

@Croisepattes

QUI JE SUIS : sur Twitter j’écris sous le pseudonyme @Croisepattes. Je me suis renommé Ervé et je suis écrivain. Même si je vis toujours à la rue, je continue d’écrire en transmettant mon expérience d’une personne qui a vécu et qui vit encore au ras du sol. Originaire des Hauts-de-France, je suis aujourd’hui un Francilien nomade. J’ai 50 ans.