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C'EST PRATIQUE! L’accès aux soins toujours inégalitaire

Pour beaucoup, accéder aux soins reste compliqué. Les personnes en situation de handicap ayant des difficultés à se déplacer peuvent être confrontées à des marches, une largeur insuffisante pour le passage d’un fauteuil ou encore un comptoir trop haut. Quant aux personnes de la communauté LGBTI+, elles cherchent parfois désespérément un médecin qui soit “friendly”. Mais cela n’est pas du communautarisme, les besoins en santé sont réels.

En consultation, les LGBTIphobies ne sont pas le seul problème. Les personnes LGBTI+ peuvent être confrontées à des discriminations lors d’une consultation, comme le relate @mojoboam sur Twitter: «En cette fin d’après-midi, ma médecin traitante généraliste m’a parlé de mon problème d’homosexualité et m’a fait une lettre pour le centre médico-psychologique pour en guérir.» Noa, personne trans, voulait rencontrer une gynéco LGBTI+ friendly: «[Il n’y] a rien que je hais plus que d’être réduit.e à mon anatomie et de me prendre un “mais biologiquement vous êtes une femme” et aussi [j’ai] la trouille qu’on ne me prenne pas au sérieux ou qu’on me fasse mal.» Les raisons de chercher un médecin “friendly” sont diverses et, outre le fait de ne pas vouloir subir de discriminations, un.e patient.e LGBTI+ peut ne pas se sentir à l’aise d’aborder des sujets qui touchent à la sexualité.

Pire encore, certains médecins peuvent être relativement incompétents lorsqu’il s’agit des particularités et des spécificités du public LGBTI+. Les personnes LGBTI+ sont très exposées au VIH et autres infections sexuellement transmissibles du fait du cumul d’un ou de plusieurs facteurs de vulnérabilité. Parfois, certains médecins prescrivent un unique test VIH quand on leur demande un check-up complet, qui devrait normalement impliquer plusieurs prélèvements (urinaire, sanguin, oral et anal). De plus, certains ne prescrivent pas la Prep (prophylaxie préexposition, médicament qui protège de l’infection au VIH), souvent parce que non (in)formé.e.s.

Sur Twitter, il n’est pas rare de voir circuler des demandes pour trouver un médecin, un psy «safe»

Face à cela, le CRIPS (Centre régional d’information et de prévention du sida et pour la santé des jeunes) propose une formation à destination des personnels de santé dans le but «d’améliorer l’accueil et la prise en charge des personnes LGBTQI+ et de favoriser leur accès et leur retour aux soins». Mais ces formations restent trop isolées et, surtout, sur la base du volontariat. Les personnes concernées s’organisent donc pour trouver elles-mêmes des solutions. Sur Twitter, il n’est pas rare de voir circuler des demandes pour trouver un médecin, un psy “safe”.
Des associations ont créé des listes blanches ou noires :
• Médecins LGBTI+ friendly (lien: https://medecin-gay-friendly.fr/) : plus de 450 praticien.ne.s LGBTI+ friendly recensé.e.s en France.
• L’association Psy gay-e-s (lien: http://www.psygay.com/) recense des psychologues, psychothérapeutes, psychanalystes, psychiatres et psychopraticien.ne.s friendly. Il suffit de les appeler ou d’envoyer un mail.
• Fransgenre (lien: https://fransgenre.fr/#carte, accessible sur demande): carte de 1 200 adresses de praticien.ne.s trans-friendly en France et à l’international, et 200 à éviter.
• BDDTrans (lien: https://bddtrans.julialblnd.fr/) : on retrouve sur ce site des praticien.ne.s ayant donné leur accord pour apparaître sur une liste publique.
Le réseau TTBM (lien: https://trestresbonmedecin.be/accessible sur demande), pour Très très bon médecin, de l’association belge pour hommes gays Ex Æquo.

Bien que ces listes soient de plus en plus étoffées, de nombreuses personnes se dirigent directement vers des centres de santé communautaire. Dans ces centres, on s’adresse avec bienveillance aux publics accueillis et en ayant connaissance de leurs besoins spécifiques en santé. Le journaliste Florian Bardou écrivait sur Twitter: «Me concernant, je me souviens d’une expérience très désagréable avec une médecin qui avait de gros a priori très moralisateurs sur la sexualité gay (en gros : “vous avez trop de partenaires”). Résultat, j’ai foncé dès que j’ai eu connaissance de l’existence du 190 Paris (centre de santé sexuelle communautaire gay et trans) pour éviter de revivre ce genre de situation. Et ce d’autant que l’offre de dépistage y est plus complète et adaptée au contexte épidémio.»

Il arrive que les praticien.ne.s soient des membres de la communauté et que l’accueil soit effectué par des bénévoles formé.e.s, ce qui rend les échanges plus simples. Voici la liste des centres de santé communautaires LGBTI+ : le Griffon (Lyon), le Spot Longchamp (Marseille), le Spot Montpellier, le Spot Marshall et Le 8 Baquis (Nice), le Checkpoint, le Spot Beaumarchais et le 190 (Paris).

L’inaccessibilité d’un.e praticien.ne est un refus de soin!

Selon la loi sur le handicap du 11 février 2005, les établissements relevant du public (ERP) et les transports avaient dix ans pour se rendre accessibles aux personnes en situation de handicap. Sauf que dix ans plus tard, en 2015, la plupart des ERP n’étaient toujours pas accessibles, et s’exposaient donc à des amendes. Le gouvernement de l’époque a alors créé les Ad’AP, pour «agendas d’accessibilité programmée», permettant aux établissements de déclarer l’accessibilité actuelle de leurs locaux, les travaux à réaliser, le chiffrage de ceux-ci, mais surtout de bénéficier de temps supplémentaire pour les réaliser. Les ERP ont donc le choix entre trois, six ou neuf ans pour effectuer leurs travaux, ce qui fait passer la date limite d’accessibilité de 2015 à 2024. Mais la crise sanitaire et les difficultés d’approvisionnement dues au contexte géopolitique vont sans doute chambouler cette date…

Si en 2024, dans un an, de nombreux ERP devraient être accessibles selon un sondage Ifop de 2020 pour l’APF France handicap, 43% des personnes en situation de handicap pensent toutefois que les cabinets médicaux et paramédicaux ont une accessibilité insatisfaisante. Le gouvernement a donc annoncé début octobre la désignation d’un délégué interministériel chargé d’accélérer l’accessibilité des bâtiments et services pour les personnes en situation de handicap. En attendant les potentiels résultats de ces annonces, les personnes en situation de handicap ne peuvent patienter plus longtemps et s’organisent entre elles.

Paris figure parmi les villes françaises les moins respectueuses des paramètres d’accessibilité

L’objectif de Wheelmap.org, créé en 2010, est de rassembler sur une carte les lieux accessibles et, surtout, non-accessibles aux fauteuils roulants. Dans n’importe quelle ville, il est étonnant de voir le nombre de lieux inaccessibles, qui plus est lorsque ceux-ci concernent des cabinets médicaux, des pharmacies ou des laboratoires d’analyses. Le site existe aussi sur mobile et tout le monde peut y contribuer, alors n’hésitez pas à faire une bonne action: ajoutez vos lieux préférés sur la carte! Google Maps propose également cette fonctionnalité depuis 2020, mais elle est basée sur la déclaration des commerçant.e.s. Il suffit de lancer l’application Google Maps, de cliquer sur son profil en haut à droite, d’aller dans «paramètres» et d’activer la fonction dans «paramètres d’accessibilité».

En France, les villes de Bordeaux, Nantes et Rennes figurent sur le podium des métropoles «accessibles» avec le taux de satisfaction le plus élevé, alors qu’Aix-Marseille, Nice et Paris se partagent les dernières places. Ce qui pose d’ailleurs question sur l’accueil des Jeux paralympiques de 2024, de ses 4 400 athlètes en situation de handicap, ainsi que de 350 000 «visiteurs à besoins particuliers». Espérons que les avancées sur l’accessibilité à Paris, s’il y a, seront pérennes et amélioreront les conditions de vie des Francilien.ne.s en situation de handicap.

Evann Hislers