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MODE DE VIE «Je boude la viande depuis mes 4 ans»

Le témoignage de Clément*, végétarien depuis son plus jeune âge: 4 ans. Révélé atteint de mucoviscidose quelques années plus tard, le plasticien a adapté son alimentation par éthique. Quand, pourquoi, comment? Il vous l’explique.

Quelle motivation à être végétarien aussi jeune?

Quand j’avais 4 ans, j’ai vu un cochon de lait dans une vitrine de boucherie, j’ai cru que c’était un chien. Mes parents m’ont expliqué que non. Mais ce qui a été assez immédiat pour moi, ce fut la certitude que tous les corps qu’on mangeait étaient des corps, et cela m’a presque immédiatement convaincu par l’exemple de la nécessité de ne pas manger de viande.

Votre végétarisme a été accepté facilement dans votre entourage?

J’ai entendu beaucoup de récits d’horreur de végétariens face à des gens qui mangeaient de la viande, mais ce sont des personnes qui sont devenues végétariennes à 15 ou 20 ans, et qui étaient dans des familles de gros viandards où il y avait vraiment un rejet viscéral allant jusqu’à une stigmatisation sociale. De mon côté, je suis devenu végétarien très tôt et ce fut naturellement inclus dans mon existence. C’est rarement un problème. Au contraire, les gens se font un plaisir aujourd’hui, maintenant que je suis adulte et que les alternatives végétariennes existent, de ne pas manger de viande lorsque je suis invité chez eux. Du côté de mes parents, j’ai eu de la chance qu’ils m’écoutent à peu près. Ils ont été capables d’être convaincus par un enfant, ce qui était rare à l’époque. A part ma famille, je me suis toujours entouré de gens suffisamment malins pour comprendre que je faisais bien ce que je voulais, et que cela ne changeait rien à leur vie à eux. Et puis je filtre quand même beaucoup les gens qui ont accès à moi, la vie est suffisamment compliquée pour supporter des gens débiles sur ces questions-là.

Ta maladie a-t-elle été un obstacle dans le maintien de ton alimentation végétarienne?

Une partie de la mucoviscidose consiste à la malabsorption des graisses. Dans les années 1990, il y avait une grosse angoisse au sein du corps médical, au niveau de la prise de poids des enfants. Donc l’idée qu’un enfant puisse décider de son alimentation était d’autant plus difficile à envisager que la question de la prise de poids et de l’alimentation diététique étaient un des chevaux de bataille des médecins. On avait quand même cette autorité et cette pression émanant du corps médical sur les questions alimentaires. Encore une fois, j’ai eu la chance d’avoir des parents qui ne m’ont pas forcé à manger de la viande, et qui ont négocié avec les médecins pour moi.

Est-ce que vous êtes engagé dans des associations pour le bien-être animal?

Je pense que la question du bien-être animal ne doit pas être reléguée aux corps intermédiaires, mais prise en charge par les partis. Cela doit être une ligne dans le programme politique, c’est-à-dire qu’il doit avoir une idéologie correctement articulée et qui doit penser le bien-être des animaux humains et non-humains ensemble. Pour moi, cela semble plus intéressant d’avoir un engagement politique auprès d’un parti plutôt que d’une association sur ces questions. Bien que je ne renie pas les activités de lobbying ou d’activisme de L214 et d’autres associations, je reste persuadé que c’est aux partis politiques de faire voter des lois pour que les choses changent de façon significative.

Des conseils pour une personne malade qui souhaiterait devenir végétarienne?

Il est important d’en parler d’abord avec un.e diététicien.ne. Pas forcément quelqu’un lié à l’institution hospitalière, mais un.e praticien.ne qui a l’habitude de traiter des personnes végétariennes et qui pourrait proposer un plan au niveau de l’alimentation. Bien que, parfois, la maladie peut ne pas être compatible avec le végétarisme. Mais il faut essayer, chercher, et essayer de comprendre. Et se rappeler que le corps médical, surtout dans les espaces hospitaliers, a un certain nombre de possibilités à proposer. Les praticien.ne.s ont 4, 5 ou 6 options. Si on leur en demande une septième, ils se trouvent dans l’embarras. Donc, si on veut cette septième option qui n’est pas proposée, il faut venir avec le plan complet et mobiliser une forme d’expertise. Il faut essayer de convaincre son médecin en utilisant des ressources mises à disposition, mais mobiliser des experts contre d’autres experts peut être compliqué, car on joue avec l’ego d’un autre humain.

Evann Hislers

* Merci à Clément pour son témoignage.