← Retour Publié le

AUX RACINES DE… La vraie couleur des carottes

Crues, à la vapeur, frites, poêlées, au four… on ne se lasse pas des carottes, avec une consommation moyenne de 9,2kg par personne et par an en France. C’est le troisième légume le plus consommé après la pomme de terre et la tomate. Mais, avant d’être orange, les carottes étaient blanches, violettes ou jaunes. Récit d’un légume qui en a vu de toutes les couleurs.
Accessible à la consommation toute l’année, la carotte (Daucus carota) se décline en trois variétés. On trouve le légume dit « primeur », qui peut être planté dès janvier pour une récolte seulement 60 jours plus tard. Les carottes « de saison » se sèment, elles, à partir d’avril pour être récoltées en été, tandis que celles « de conservation » peuvent être semées jusqu’à la mi-juin pour une récolte en décembre.
En France, nous consommons en moyenne 9,2kg de carottes par personne et par an. Au total, plus de 500 variétés sont inscrites dans les catalogues des carottes commercialisables à travers le monde, même si nous retrouvons bien souvent sur nos étalages la carotte nantaise, la chantenay ou la touchon. Leur point commun ? Elles s’affichent en orange vif. Mais depuis quelques années de nouvelles variétés aux couleurs et formes variées refont leur apparition sur les étals. Pour la plupart, il s’agit en réalité des ancêtres de ce légume.
En France, le riche cuisinier et gastronome romain Apicius évoque déjà la carota dans le recueil de recettes culinaires qui le cite, De re coquinaria, constitué au IVe siècle. Il est alors surtout conseillé de consommer les carottes frites, car elles sont très petites, dures et fibreuses. A l’époque, certaines vertus thérapeutiques sont attribuées à la carotte, notamment celle de favoriser l’acuité visuelle. Mais il se pourrait que le légume ait été confondu avec le panais, de la même teinte à l’époque : blanche. Voilà pourquoi certains écrits désignent sous le nom de panastica la carotte et le panais. Au Moyen Age, la carotte devient très prisée pour son faible coût, mais elle n’apparaîtra jamais parmi les aliments nobles, tout comme les plantes cultivées pour leurs racines charnues comestibles.

Un croisement de rouge et jaune pour un orange… politiquement royal

L’ancêtre sauvage de la carotte proviendrait d’Afghanistan, où celles à racines pourpres, jaunes ou rouges s’y épanouissent encore de nos jours. Le légume arrive sur les tables de l’Allemagne, des Pays-Bas, puis de la France au XIVe siècle dans des couleurs variées. Mais toujours sans trace de carottes orange.
C’est deux siècles plus tard, aux Pays-Bas, que la carotte enfile la robe orange qu’on lui connaît, pour des raisons… politiques. Au XVIe siècle, désireux de montrer leur fidélité à la principauté protestante française de la maison d’Orange, des Hollandais ont l’idée de croiser les variétés jaune et rouge d’Afghanistan. Ils la dédient ensuite au prince Guillaume d’Orange (1533-1584), dit Guillaume le Taciturne, qui a permis aux Provinces-Unies de devenir indépendantes en s’affranchissant de la tutelle espagnole.
Le succès de cette nouvelle variété est immédiat. Plus sucrée et plus charnue que la rouge et jaune, la carotte blanche a aussi l’avantage de ne pas déteindre dans l’eau de cuisson en colorant les autres ingrédients (à la différence des rouges). Meilleure, donc, et plus pratique à cuisiner! Elle devient alors la première carotte charnue, surnommée «la longue orange». Il n’en faut pas plus pour que cette variété s’invite aux tables royales en supplantant toutes les autres. Depuis, le légume orangé domine toujours le marché mondial de la carotte. Mais pas seulement, car il s’affiche aussi sur les maillots de l’équipe nationale de foot des Pays-Bas, qui décidément ont depuis longtemps délaissé le rose pour voir la vie en orange. Ça change.
Cécile Moine

En savoir plus
L’Agenda 2023 du jardinier bio d’Eve Gaignard, paru aux éditions Terre vivante en octobre 2022, 160 pages, 12€.