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VIE ANIMALE Jojo la tortue, reine en son jardin

Aimer les animaux et s’en occuper de façon respectueuse est une chose précieuse. Pour cela, il est important d’en savoir le maximum sur eux et sur leurs conditions de vie initiales. Quant à moi, j’ai craqué pour un reptile. Je vous présente un petit bijou d’animal: ma tortue Josette. Jojo pour les intimes.

J’avais 7 ans quand j’ai rencontré ma première tortue. Je l’avais héritée de ma tante, elle s’appelait Caroline et était presque centenaire. A l’occasion d’une fête d’anniversaire, j’étais très fière de montrer à mes copains à quel point je la connaissais bien, jusqu’à ce que je découvre, en direct, que Caroline était en fait... un mâle. Chamboulement! Cela ne l’a pas empêchée, elle, de continuer à faire des trous dans le jardin pour aller visiter les alentours. Malheureusement, l’hiver suivant, on n’a pas revu Caroline.
Après avoir vécu avec plusieurs animaux, chats, chiens, cochons d’Inde, canaris et lapins, je me suis décidée quatorze ans après la perte de Caroline, à ré-apprivoiser ce reptile qui m’avait tant fascinée plus jeune: la tortue. J’ai dû affronter l’an passé vents et marées pour que mes parents finissent par lâcher du mou, tandis que ma grand-mère Pierrette qui habite avec nous en banlieue, n’avait rien à lâcher: elle était même plus enjouée que moi par le projet. Quelques clics sur Internet plus tard, je tombe sur l’annonce d’une éleveuse qui ne pouvait plus s’occuper de ses tortues. A céder, des reptiles d’Hermann (les tortues terrestres les plus communes) et des tortues grecques. La première espèce est parfois appelée tortue des Maures, et est présente à l’état sauvage en Corse et dans le Var –où elle est en voie d’extinction. Sa carapace est d’un vert foncé vif aux reflets jaunes, parsemée de denses motifs noirs. La seconde espèce est originaire des régions méditerranéennes, du sud de l’Europe, des pourtours de la mer Noire et d’Afrique du Nord. La carapace de Testudo graeca est couleur olive, tandis que les taches noires sont moins marquées que chez la tortue d’Hermann. Après de succinctes recherches, j’ai contacté la personne qui avait mis l’annonce en ligne. Nous nous sommes donné rendez-vous en banlieue parisienne, et la dame m’a ramené la tortue qu’elle avait choisie pour moi (je me suis toujours refusée à adopter un animal pour et selon sa race). Me voici donc au volant de ma Citroën C3, le 1er avril 2022, avec sur la banquette arrière une jolie tortue grecque que je baptise immédiatement Josette. Emue, je me rappelle avoir réalisé que Jojo, 5 ans, vivrait peut-être plus longtemps que moi. En captivité, ces tortues peuvent vivre jusqu’à 80 voire 100 ans.

Adopter une tortue en toute légalité et respecter son espace vital
Parce qu’elles sont protégées, l’acquisition de certaines tortues (dont celles d’Hermann et les grecques) est strictement réglementée par plusieurs arrêtés. Lors de la cession de l’animal, l’éleveuse m’a fourni une attestation de cession et la déclaration de marquage d’un animal d’espèce non domestique (accessible ici), qui prouve que la tortue est bien pucée (selon le même principe que pour les chiens et les chats). «Si vous achetez une tortue en animalerie, il faut même remplir une déclaration de détention avant de vous présenter en magasin pour adopter», tient à préciser Alice, vendeuse et soigneuse de reptiles à La Ferme tropicale (Paris). La détention illégale de toute espèce protégée est sévèrement réprimée par le Code de l’environnement, vous encourez six mois d’emprisonnement et 9000€ d’amende.
Pour tout nouvel animal de compagnie (NAC), il est primordial d’essayer de recréer au maximum le milieu naturel des conditions de vie de l’animal. Par exemple, une tortue terrestre ne va pas pouvoir s’épanouir dans un aquarium aménagé ou sur un balcon. Il lui faut obligatoirement un bout de jardin doté de cachettes, de parties à l’ombre et au soleil, des restes d’eau de pluie, de la végétation,… Sinon, autant acheter une statuette du reptile et la placer sur un meuble (en plus, c’est moins d’entretien).
Ainsi, notre Josette se trouve bien lotie. Elle dispose d’un coin tranquille de 5m2 avec pelouse d’un côté et terre avec plantations de l’autre. En guise de bordures d’enclos, il y a de simples bouts de bois reliés entre eux par du fil de fer. A ce sujet, il faut veiller à enterrer à 20cm toute délimitation du terrain de vie de la tortue, car elle peut s’enfouir assez profondément… sans prévenir. Ce conseil avisé peut vous faire gagner des jours de recherche dans tout le jardin, comme ça nous est arrivé l’été dernier! Arthur, ingénieur informatique et détenteur de trois tortues d’Hermann, conseille aux futurs adoptants de ne pas encercler l’enclos avec du grillage ou un quelconque matériau au travers duquel le reptile pourrait voir à l’extérieur: «Mes trois tortues se sont complètement abruties à vouloir sortir. Elles ne pensaient qu’à ça, j’en ai même une qui collait sa tête sur la grille et fixait l’horizon.» L’éleveur trentenaire a depuis troqué le grillage contre des planches de bois, et cela a résolu le problème!

Pour jouer à cache-cache, Josette a à sa disposition une grande sauge qui lui sert d’abri naturel et une cabane fabriquée maison, sommaire mais largement suffisante: deux grosses tuiles récupérées au fond du jardin et des bûches pour les surélever, tout en isolant l’abri des intempéries.

Un régime alimentaire en toute simplicité, et de l’eau!
Autre élément indispensable à l’espace de vie d’une tortue, de l’eau! Même si Jojo pourrait se passer d’eau plusieurs jours, il faut tout de même qu’elle s’hydrate. Cependant, il est tout à fait normal de voir sa tortue ne boire que très rarement. Les reptiles ne suent pas et leur urine contient très peu d’eau. Ainsi, comme ils n’en perdent pas beaucoup, ils n’ont pas besoin d’en boire en grande quantité.

Pour l’anecdote, la tortue est capable de stocker de l’eau par le cloaque (son anus) pour en faire une réserve. Prévoir à cet effet une gamelle large et plate pour qu’elle puisse y entrer entièrement. Une tortue qui manque d’eau peut déclencher ce qu’on appelle «la goutte», c’est-à-dire que, au lieu d’être évacué naturellement dans les fientes, de l’acide urique peut se fixer sur les viscères du reptile et le tuer.


our ce qui est de la nourriture, les tortues terrestres ne sont pas compliquées. Elles sont principalement herbivores, même si elles peuvent apprécier la coquille d’œuf écrasée et les os de seiche (qui leur apportent du calcium en quantité). J’ai même surpris plusieurs fois Josette en train de manger… des cailloux, sans doute pour pallier le manque ponctuel de certains minéraux dont elle a besoin. Sinon, la tortue se nourrit au quotidien de végétaux comme l’herbe, le pissenlit, le cresson, la pâquerette, le foin, le trèfle,… Mais (spoiler alerte) pas de laitue! Elle n’a aucune valeur nutritive et est composée en majorité d’eau, ce qui finira par causer des carences à la tortue. Très occasionnellement, la tortue appréciera la pomme, la fraise, l’endive, la carotte, les raisins ou le melon que vous pourrez lui déposer dans son enclos. Attention cependant à ne pas donner trop de fruits riches en sucre. En résumé, on peut dire de la tortue qu’elle a un régime alimentaire opportuniste, elle mange ce qu’elle trouve… N’est-ce pas, Jojo?

L’hibernation, une seconde vie au ralenti maximal
La tortue hiberne quand la température ambiante devient hostile (trop élevée ou trop basse). Le reptile s’enterre et se met en état d’hypothermie régulée, le corps de l’animal vivant au ralenti sans être nourri. L’idée est d’économiser l’énergie pour survivre le plus longtemps possible sous terre. L’hibernation est à distinguer de l’hivernation en ce que le premier mécanisme, qui concerne la tortue, modifie considérablement la température du corps et le rythme respiratoire –ce qui ne permet pas à l’animal de se réveiller «en sursaut» en cas de problème. A contrario, ceux qui hivernent conservent un certain niveau d’activité qui leur permet un réveil rapide à tout moment: les ours, les ratons laveurs, les blaireaux. Il est intéressant de souligner que certaines tortues n’ont pas besoin d’hiberner parce que leur habitat d’origine ne le nécessite pas. C’est notamment le cas des reptiles venant d’Afrique, qui n’ont jamais connu de descentes de température similaires à celles en France. Il faut donc les placer en terrarium et les maintenir à la même température qu’en été.
Les tortues d’Hermann et les tortues grecques s’enterrent entre octobre-novembre et mars parce qu’elles sont habituées aux hivers méditerranéens. Deux écoles s’opposent: ceux qui font hiberner leur tortue en terrarium et ceux qui la laisse dans leur espace de vie habituel. Arthur conseille de laisser le reptile «être le plus autonome possible» et les laisse dans leur abris: «Elles finissent par s’enterrer toutes seules, et mon rôle est simplement de protéger l’endroit qu’elles ont choisi.» Tout en gardant à l’esprit qu’un simple tas de feuilles mortes au-dessus suffit à isoler.
Les éleveurs les plus exposés peuvent encercler l’endroit choisi par du grillage pour protéger la tortue des rongeurs. Attention aux inondations, s’il pleut vraiment beaucoup dans votre région. Dans les endroits de France où les hivers sont très rudes, il est conseillé de faire hiberner sa tortue en terrarium. Lorsque l’éleveur constate que l’activité de sa tortue diminue, fin octobre, celle-ci doit être placée dans un caisson d’hibernation qui contiendra de la paille, des feuilles mortes ou du sable. Le caisson doit être situé dans un endroit frais et isolé, dont la température est comprise entre 5 et 12°C, sans risque de gel.

Pour ces deux types d’hibernation, il faut penser pratique. Nourrissez davantage votre tortue quelques semaines avant qu’elle ne s’endorme pour qu’elle se fasse des réserves. Par contre, il est important de stopper son alimentation quelques jours avant son hibernation pour que son tube digestif soit vide, car des restes de nourriture peuvent moisir et l’intoxiquer. Vous pouvez également la baigner pendant vingt minutes quelques jours avant son départ temporaire (rappelez-vous, elle fait des réserves d’eau en l’absorbant par son cloaque). Faites-lui un petit bisou sur la carapace… et à dans cinq mois!
Cécile Moine