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AU PAYS DU HANDI C’est reparti pour un tour!

On est presque tous.tes d’accord pour dire que la rentrée est un moment éminemment déprimant. D’abord parce qu’elle annonce la fin des vacances et d’une certaine insouciance, ensuite parce qu’elle sonne le retour aux «bonnes» vieilles habitudes. Il me semble que c’est encore pire quand on vit avec un handicap.

Etre handicapé.e, ça veut dire avoir plus de contraintes, davantage de rendez-vous médicaux, des soins programmés, avoir affaire parfois à des machines ou des appareillages…, bref, c’est une organisation lourde et souvent complexe. Etre un.e handicapé.e qui travaille, ça veut dire essayer de concilier toutes ces contraintes avec celles de son emploi, essayer de ne pas s’épuiser pour ne ruiner ni sa santé, ni son travail. Etre une handicapée qui travaille, mère d’un enfant en bas âge, c’est… une énorme gageure!
Mais pendant les vacances, quand on en a la possibilité, on se défait quelque peu de cette organisation. Personnellement, j’ai choisi de passer quinze jours de vacances en famille sans auxiliaires de vie, sans séances de kiné, sans mon appareil respiratoire, sans planning à la minute. Il faut le dire: ça fait tellement de bien! Pourtant, la désintoxication a été dure. Au début, j’ai beaucoup regardé ma montre, et j’ai décrété plusieurs fois: «On doit être à tel endroit à telle heure», «On est en retard sur le planning»… Puis, au bout d’un moment, je me suis détendue, et c’est bien aussi de ne rien faire. Ensuite, je suis rentrée à la maison, mon mari a repris le travail.

«L’espace d’une journée, le temps de repartir à fond la caisse, ça m’a pesé: j’aurais aimé une rentrée en roue libre, moins contraignante, mais ce n’est pas possible»
Sur mon téléphone, mon agenda m’a rappelé que je devais être levée et prête pour l’arrivée de l’auxiliaire à 7 heures, que je devais faire mes exercices respiratoires à 7h30, que le kiné passait ensuite à 9 heures, etc. Dans ma boîte mail, le planning de mes auxiliaires de vie pour septembre et octobre m’attendait, incomplet. Vite, envoyer des mails à l’association pour combler les trous dans l’emploi du temps.
Ensuite, j’ai réalisé que je n’avais toujours pas mon emploi du temps professionnel. Comment organiser, alors, les passages des auxiliaires, ceux des kinés, caler les dates des rendez-vous médicaux, et tout ça en gérant la garde et les activités de ma fille qui entre en maternelle?
Nouveau problème à régler. Déjà, je prépare mentalement le mail que je vais envoyer à mon supérieur hiérarchique pour lui demander mon planning sans paraître ni impolie ni insistante, et sans froisser sa susceptibilité.
Et bien sûr, à toutes ces tâches propres au handicap s’ajoutent les tâches plus «classiques » de toute mère qui travaille: faire les courses, planifier les repas, le ménage, gérer l’administratif, éduquer l’enfant, l’habiller, le soigner, l’occuper (un peu mais pas trop), le faire manger de manière équilibrée mais sans nier le plaisir gustatif, préparer sa rentrée (quelle taille de sac, quelles fournitures?), quoi, comment…
C’est pourquoi, le dimanche avant que mon mari reprenne, j’ai soudain ressenti une immense lassitude. Non, je ne voulais pas retourner à cette vie hyperorganisée, planifiée quasiment à la minute. Etre handicapé.e, c’est souvent renoncer à la légèreté, à l’impromptu. D’habitude, ça ne me pèse pas. Je suis rodée, heureuse de ma vie et de ses aménagements. Mais là, l’espace d’une journée, le temps de repartir à fond la caisse, ça m’a pesé: j’aurais aimé une rentrée en roue libre, moins contraignante. Mais ce n’est pas possible.
Sushina Lagouje