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AU PAYS DU HANDI Comment concilier handicap et écologie?

Peut-on être handicapé.e, écolo et afficher une faible empreinte carbone? Pas si simple lorsqu’on aborde l’impact de nos équipements sur l’environnement, dont celui des fauteuils roulants. Bien sûr, il nous est possible d’agir autrement. Mais la solidarité des personnes valides reste notre meilleure alliée pour un meilleur-vivre ensemble.

La maladie et/ou le handicap sont des facteurs de pollution. Lorsque je fais le bilan de mon mode de vie, j’ai l’impression que mon bilan carbone est modéré. J’ai la chance de pouvoir me déplacer et d’aller au travail en transports en commun, de faire la plupart de mes autres trajets en fauteuil, j’ai une consommation très réduite de viande, j’achète des produits locaux, je mets mes déchets au compost, etc. Et, si c’est par conviction que je ne prends pas l’avion, c’est aussi parce que c’est trop difficile avec un fauteuil électrique de 150 kg.

Pourtant, cette bonne conscience disparaît lorsque je prends en compte tous les équipements liés au handicap. Je commence par le fauteuil roulant: en plastique et en métal, il fonctionne à l’électricité et doit être remplacé en moyenne tous les sept ans. Son impact sur la planète? Je n’en ai aucune idée, mais j’ai très peur de la réponse. Parmi les équipements, il y a aussi trois appareils respiratoires: l’un est utilisé quotidiennement, les deux autres le seront en cas d’encombrement respiratoire. Mais leurs circuits et les masques en plastique sont à changer régulièrement, ce qui génère une nouvelle dépense énergétique et une source de pollution.
Il y a également le fait que les médecins se sont opposés à mon désir de devenir végétarienne, jugeant cela «trop délicat» dans le cadre d’une maladie neuromusculaire.

«Nous devons donc accepter qu’une part de cette pollution reste malheureusement incompressible, tout en essayant d’agir sur le reste de notre consommation»

Selon les maladies et les handicaps, des quantités non négligeables de polluants peuvent être utilisées au quotidien pour des sondes, des protections, des pansements, du transport, etc. En effet, le domaine médical est un important consommateur de plastique, souvent stérile et donc à usage unique. De plus, selon le lieu où l’on vit, on n’a pas forcément accès à des transports et souvent la possession d’un véhicule personnel est une obligation. Dans certaines maladies, le froid est une source importante de douleurs et il faut augmenter la température de son habitat en conséquence. On peut avoir besoin d’un lit médicalisé et d’un matelas en mousse, à changer tous les deux ou trois ans… La liste pourrait s’allonger considérablement en fonction des handicaps et des maladies.

Que faire? La culpabilité peut nous envahir lorsque nous prenons conscience de ces faits. Nous ne sommes pourtant pas responsables de nos maladies et de nos handicaps. Nous ne pouvons pas mettre notre vie en danger pour réduire un tant soit peu notre empreinte carbone. Nous devons donc accepter qu’une part de cette pollution reste malheureusement incompressible, tout en essayant d’agir sur le reste de notre consommation.

Il me semble que, là encore, il s’agit d’un problème profondément politique: tant que la société ne sera pas entièrement accessible, les solutions que trouveront les personnes handicapées pour vivre ou survivre seront polluantes. Nous avons besoin d’une politique incluant les personnes handicapées dans la lutte contre le réchauffement climatique, avec du matériel médical durable, des infrastructures adaptées à toutes et tous, des recherches permettant d’adapter le végétarisme et le véganisme à tous les états de santé afin de pouvoir, nous aussi, faire notre part.

Enfin, peut-être faudrait-il aussi adapter les messages écologistes en prenant en compte le handicap car, non, tout le monde ne peut pas faire du vélo ou baisser le chauffage à 17 °C. Et non, ce n’est pas un crime lorsque la raison en est la maladie ou le handicap. Idéalement, le principe de solidarité devrait agir: toutes celles et ceux qui le peuvent devraient faire des efforts sur le plan écologique, afin que les personnes pour qui ce n’est pas possible, ou qui peuvent moins le faire, puissent vivre elles aussi dans de bonnes conditions.
Sushina Lagouje