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COIN-COIN JEUNESSE Princesse Kevin

«Ils croient sans doute que c’est contagieux. Que s’ils touchent Kevin ils vont se transformer en princesse à leur tour. Quelle bande de froussards! » Pour déconstruire les stéréotypes de genre qui s’installent dès l’enfance, deux hommes, Michaël Escoffier, auteur jeunesse, et Roland Garrigue, illustrateur, ont associé leur talent en créant Princesse Kevin, un album à lire dès 3 ans.

Pour le spectacle de l’école, tous les enfants doivent se déguiser et, n’en déplaise aux esprits moqueurs, Kevin n’optera pas pour un déguisement de super-héros, car «Kevin est une princesse, un point c’est tout».

Et c’est vrai, à l’aide des accessoires de sa sœur et du maquillage de sa maman, Kevin devient une princesse, très fière d’en être une. Kevin adore son costume, même s’il reconnaît que les talons hauts «c’est une vraie torture».

D’une logique désarmante doublée d’une innocence rafraîchissante, le petit Kevin ne voit pas ce qui peut déranger dans sa tenue. La seule chose qui le gêne, lui, ce sont ses pieds qui lui font mal. Mais tant pis, parce que «Kevin est une princesse, un point c’est tout».

Evidemment, il a beau être jeune, Kevin n’est pas dupe. Il perçoit bien les railleries et les rires autour de lui. Il voit bien qu’aucun «preux chevalier» de l’école ne veut de la belle princesse qu’il est devenu. La preuve, les garçons de l’école l’évitent. Pire, pas un seul d’entre eux ne veut lui tenir la main. «Ils croient sans doute que c’est contagieux. Que s’ils touchent Kevin ils vont se transformer en princesse à leur tour. Quelle bande de froussards! »

En finir enfin avec les stéréotypes de la «jolie» fille et du garçon «fort»

Ce que Kevin ressent à ce moment-là? Un peu d’incompréhension. Pour lui, celui qui a décrété que seules les filles avaient le droit de se déguiser en princesse a tout faux. Kevin pense que chacun.e doit pouvoir faire ce qui lui plaît, se déguiser comme il ou elle le souhaite sans avoir à subir la pression des regards qui pèsent lourd, sans crouler sous le poids de leurs jugements.

C’est en discutant avec une petite fille aussi ouverte d’esprit que lui, déguisée en dragon (et dont le déguisement ressemble à s’y méprendre à une vieille chaussette… et c’est très drôle), que Kevin parviendra à assumer qui il est: un esprit libre qui agit selon ses envies, sans se préoccuper du regard d’autrui.

L’histoire du petit Kevin invite les enfants à ne pas se limiter à une vision genrée des personnes et à s’élever au-dessus des remarques, si blessantes soient-elles. Dans cette histoire joliment illustrée, il est question bien sûr de lutter contre les stéréotypes de genre. Les auteurs invitent les enfants à suivre leurs envies, à se libérer et à se permettre d’être elles-mêmes et eux-mêmes sans se soucier d’être jugé.e.s, quitte à nager à contre-courant. Evidemment, le message des auteurs de Princesse Kevin est porteur d’une tolérance plus que jamais d’actualité. Car comment ne pas penser au suicide d’enfants moqués –quand ils ne sont pas harcelés– à l’école?

Pour permettre à chacun.e de vivre sereinement et en sécurité dans nos sociétés, il est urgent de se mettre à déconstruire à chaque instant ces schémas archaïques encore ancrés dans le quotidien des enfants. Ce livre y participe assurément.

Corinne Gili

Princesse Kevin de Michaël Escoffier et Roland Garrigue (éd. p’titGlénat, 2018, 32 pages), 12,50€.

Sur les auteurs
S’il a toujours été attiré par l’écriture, ce n’est que sur le tard que Michaël Escoffier s’est spécialisé en littérature jeunesse. L’auteur cinquantenaire, qui a plus de 80 albums à son actif, collabore avec des illustrateurs et des illustratrices de renom. Il est traduit dans le monde entier.

– L’illustrateur Roland Garrigue, à un peu plus de 40 ans, dessine depuis presque toujours: il a commencé en petite section de maternelle. Après des études d’arts appliqués à l’école de Strasbourg, il s’est consacré à l’illustration jeunesse.