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À LA PAGE Le Temps du choix

En libérant les femmes de l’obligation patriarcale de procréer pour assurer la reproduction de l’espèce, le droit à l’IVG a permis de désacraliser la maternité. Dans son essai Le Temps du choix La journaliste Bettina Zourli montre à quel point les childfrees, les femmes qui ne désirent pas avoir d’enfants, sont rejetées par la société depuis l’Antiquité.

Et si les femmes se révoltaient contre la pression sociale qui les pousse à faire des enfants? Et si les femmes ne voulaient plus être réduites à leur utérus ou à leur fonction reproductrice? Tels sont les thèmes explorés par Bettina Zourli dans Le Temps du choix – Etre ou ne pas être mère. L’autrice, qui avait déjà publié Childfree*, analyse ici, à travers l’histoire et le monde, l’injonction faite aux femmes de procréer. Nous avons allègrement franchi le cap du deuxième millénaire, et pourtant la société continue à condamner moralement les femmes qui choisissent de ne pas avoir d’enfants.
Bettina Zourli, journaliste et créatrice sur Instagram du compte @jeneveuxpasdenfant (57,4 k+ followers), nous prouve ici, à travers une démonstration fort bien documentée, que le lien entre l’infériorisation du féminin et la reproduction n’est plus à prouver. A la période néolithique, nous passons du culte de la déesse à celui du phallus.
C’en est fini de la supériorité des femmes. Dès l’Antiquité, une femme non mère est une «femme vide». Pourtant, au Moyen Age, les femmes commencent à travailler et s’émancipent (un peu). Mais cette période ne dure pas: dès les Lumières, on incite les mères à rester près de leurs jeunes enfants afin de réduire la mortalité infantile.
Jusqu’à l’arrivée de la contraception, décriée de toutes parts et censée être responsable de la baisse de la natalité, le choix de ne pas avoir d’enfants reste une exception. Il faut attendre 1972 pour que le terme de childfree fasse son apparition aux Etats-Unis, dans le magazine Times.

Renoncer à être mère est un choix aussi puissant que le désir d’enfant

Qui sont ces femmes que la société ne saurait voir? Pour Mona Chollet, journaliste et essayiste, «la femme sans enfants est la figure moderne de la sorcière». Bettina Zourli réaffirme quant à elle son désir de ne pas en avoir –il ne s’agit en rien d’un renoncement, encore moins d’une impossibilité, mais bien d’un choix aussi puissant que le désir d’enfant. Dans un chapitre particulièrement intéressant, elle mêle «l’intime et le politique». Il faudra donc attendre Simone de Beauvoir pour dissocier le féminin du maternel tel que l’énonce Yvonne Knibiehler, historienne spécialiste de l'histoire des femmes.
C’est aussi après de longues décennies que la remise en question de l’instinct maternel peut s’exercer. Mais c’est surtout le droit à l’avortement qui donne réellement aux femmes le libre choix de ne pas enfanter. Et Bettina Zourli de dénoncer la sacralisation de la maternité, notant les souffrances endurées par celles qui se livrent à des PMA à répétition afin d’obtenir l’enfant attendu par la société tout entière. L’essai de l’autrice montre à quel point les childfrees font l’objet d’un rejet général, à l’instar des femmes ménopausées. Aujourd’hui, près d’un tiers des femmes en âge de procréer ne désirent pas d’enfants. Un chiffre qui dérange. Des femmes qui dérangent plus encore. Comme si la culpabilisation des childfrees ne suffisait pas, l’argument du déficit démographique vient s’ajouter aux regards négatifs.
Dans ce livre, non seulement Bettina Zourli lève un tabou sur celles qui refusent d’être mères, mais elle fournit avec force des arguments à celles qui souffrent de cette injonction à procréer.
Valérie Trierweiler

Childfree – Je ne veux pas d’enfant, de Bettina Zourli, est paru en 2019 aux éditions Spinelle Eds.
Le Temps du choix, de Bettina Zourli est à paraître le 7 février 2024 chez Payot, 224 pages, 19,50€